Le jeune garçon courrait dans le jardin, insouciant. Il aimait jouer dehors beaucoup plus que moi ! Parfois, il traversait l’allée, tentant de se rendre d’un bout à l’autre le plus rapidement possible, ou bien en évitant les fissures que créaient les dalles. De loin, je le suivais, marchant lentement. Le jardin, bien que je ne puisse le voir correctement, semblait resplendissant. Les lilas étaient en fleurs et dégageaient allègrement leur odeur dans tout le jardin. Le soleil de l’après-midi était bien haut, je portai ma main en palette au-dessus de mes yeux pour y bloquer les rayons trop puissants qui n’altéraient que davantage ma vue. Calme, j’écoutai les bruits de pas de mon fils, le suivant à l’oreille. Il filait comme le vent, inépuisable petite chose.
Soudainement, je l’entendis gémir et me retournai vivement. Je plissai les yeux et je remarquai qu’il était étendu de tout son long dans l’herbe fraichement coupée. Affolée, je me précipitai jusqu’à lui et me penchai alors qu’il se redressait.
« Elske, tu vas bien ? Tu ne t’es pas fait mal ? » Je tapotai ses vêtements, y retirant les saletés qui s’y était collées.
« Oui ! J’ai pas mal ! » Il souriait, bienheureux et enjoué.
« …Tu es certain ? » La surprotection était un bien vilain défaut. Adolescent, Erling réclamera sans doute sa liberté et son intimité mais, pour l’instant, il était encore mon bébé.
« Oui ! J’ai juste tombé, je me suis pas fait mal ! » Sur ces mots, il se releva et retourna courir. Erling se montrait indomptable, le genre de petit garçon à remonter immédiatement sur son vélo après être tombé. Indomptable, comme son père.

Je me relevai à mon tour et, rassurée, replaçai mon chapeau. Je m’avançai dans la cours, un pied devant l’autre, paisible. Erling échappa un petit cri au loin, mais se ressaisit aussitôt. Je me disais qu’il avait dû s’accrocher dans quelque chose, encore et le sermonnai de loin, lui priant de faire attention. Casse-cou comme il était, il allait sûrement se buter contre une pierre ! Je soupirai. Cet enfant me tuera avant que j’atteigne mes quarante ans, pour sûr ! Et d’une crise cardiaque en plus tant ce mini-monstre me fait de ces peurs ! Ah !
« Maman ! Il y a Méline là-bas ! » S’écria-t-il, sautillant près de la serre.
« Où ça là-bas ? » Je m’approchai, accélérant le pas.
« Elle est dans la serre ! » Puis, plus rapide que l’éclair, il se faufila dans la serre rejoindre sa nouvelle amie depuis peu. Il poussa le portillon et se faufila directement vers Méline pour s’accroupir près des fleurs avec elle. Erling connaissait déjà quelques fleurs de jardin, ayant été fortement influencé par nulle autre que moi, ainsi que par son parrain.

Derrière, un peu loin derrière quand même, je le suivis et entrai à mon tour dans la serre. Une grand partie de celle-ci était recouverte d’une toile pour protéger les fleurs et autres plantes qui ne supportaient pas le plein soleil. L’air y était plus dense, plus chaud, ce qui eut pour effet de m’écraser au début, avant que je ne m’y habitue. Je retirai mon chapeau et, devinant que Méline n’était sans doute pas ici toute seule, cherchai le père du regard. Je promenai mon regard sur l’endroit et distinguai une forte silhouette. Larges épaules et brun, immanquable. Je m’approchai, lentement et timidement et le saluai. Un sourire s’étira sur mes lèvres et ma voix, toujours accentuée d'un fort accent, douce, renchérit.
« Toujours dans ton jardin, à ce que je vois, Aaron. »